Emmanuelle Bousquet, dont le travail général est un éloge du corps féminin à partir de sa propre mise à nu, prolonge aujourd’hui ses recherches en observant les paysages comme des surgissements de signes à la fois familiers, inquiétants et terriblement fantasmatiques.
Montrant ici des Polaroïds effectués lors de marches dans les Alpilles ou ses randonnées en peau de phoques à très haute altitude dans les Alpes entre des séances de poses consacrées à l’étude de son corps, la photographe explore une nouvelle facette du dessaisissement d’elle-même, abandonnant sa volonté au domaine mystérieux d’une nature qu’elle connaît bien pour y puiser cette énergie indocile et franche qui est le moteur de ses actes créateurs.
La femme-paysage offrant sa pudeur et ses dévoilements aux regards qui la déplient se rapproche par cette série de la source de tout désir, qui est l’inépuisable d’un territoire d’enfance abordé davantage comme espace mental que comme pure extériorité transparente.
Il y a dans ce qui apparaît dans l’objectif d’Emmanuelle Bousquet un mystère de lumières et de formes, mais aussi une grâce par-delà l’effroi premier. A la menace d’un jugement dernier se substitue alors la volupté d’être au monde, aussi ridicule qu’une branche cassée, aussi puissante qu’une montagne attirant en ses crêtes l’ensemble de ce qui l’entoure.
En ces photographies de ruines et de monde indemne, où plane la possibilité d’un aveuglement, il se pourrait bien que la photographe cherche à se rapprocher de la vérité de ses propres éblouissements et de la chair même du réel.
3 mai 2023